La cuve du sarcophage |
CONSTRUCTION DU SARCOPHAGE
Le
bois débité en planche était mis à séché afin d’éviter la déformation
de l’objet et l’apparition de fentes. Les planches encore humides étaient
empilées en wigwam ou posées contre le mur de l’atelier. Les charpentiers
savaient estimer le taux d’humidité du bois et le réduire de 6 et 8 %.
Ils n’ignoraient pas que si le bois était mal séché, il pouvait se
fendre ou se déformer après qu’on lui eut imprimé sa forme finale. L’outillage
du charpentier évolua tout au long de l’histoire pharaonique. Si à
l’époque prédynastique le bois était taillé et sculpté avec des
couteaux en silex dont certains étaient dentés, formant l’une des
premières scie, la technique s’améliora avec l’introduction
d’outils en cuivre. Les techniques élaborées dans l’antiquité sont
encore utilisées de nos jours, de même les outils conçus par les
charpentiers sont nécessaire à l’élaboration des meubles
contemporains. Les fouilles nous permettent de découvrir des ciseaux à
mortaises employés pour creuser le bois afin de recevoir le tenon. Les
lames de ces ciseaux étaient épaisses et carrées de manière à ne pas
plier pour extraire le bois des trous. Les ciseaux à sculpter possédaient
une lame mince et rectangulaire avec un tranchant évasé. Les ciseaux
avaient une poignée en bois aplatie qui était martelée par un maillet
en bois ou en pierre. L’herminette était employée pour dégrossir le
bois et lui donner sa forme. C’est un outil en bois dont le manche est
recourbé prêt à recevoir un large ciseau maintenu par des liens.
L’herminette rentrait dans le monde funéraire lors de l’ouverture de
la bouche. L’Égyptien
possédait le foret pour percer des trous dans le bois. Cet outil ayant la
forme d’un ciseau à mortaise était actionné à l’aide d’une corde
reliée aux deux extrémités par un morceau de bois recourbé sur l’une
de ces parties. La corde était passée en boucle simple autour du manche.
Par un mouvement de va et vient le ciseau tournait et pénétrait dans le
bois. A
partir du Moyen Empire le bronze fit son apparition pour les outils de menuiserie.
Cet alliage plus résistant fut à l’origine importé de Syrie sous
forme de lingots. Le fer présent en Égypte dés la préhistoire était récupéré
sur des météorites. Sous l’Ancien Empire le rituel de l’ouverture de
la bouche devait se faire avec une herminette en fer. Très rare et très
cher, le fer commença à être vraiment usiné vers 1600 avant notre ère,
mais réservé à l’élite. Il deviendra populaire et commun vers 600
avant J.C, au même titre que le cuivre et le bronze. Même si son
invention est probablement antérieure, ce n’est qu’à la période gréco-romaine
que le tour fut employé pour tourner les pieds des chaises, tabourets et
lits. 2 Les
planches séchées, l’ouvrier commençait la construction du sarcophage.
Le charpentier débitait toutes les planches à la mesure désirée. Il façonnait
les parties arrondies, sculptait les deux couvercles, perçait les
mortaises, fabriquait les tenons, réparait les imperfections du bois par
l’apport de pièces. Toutes ces opérations pouvaient être réalisées
par plusieurs personnes et même dans des ateliers différents. Différents types
d’assemblages pratiquaient en Égypte Ancienne:
Une
colle animale pouvait renforcer tous les différents assemblages
existants. Les
mortaises sont visibles sur la cuve et à l’intérieur du premier
couvercle, des tenons cassés subsistent à l’intérieur des mortaises
du premier couvercle. Au niveau des mortaises de la cuve figurent les
emplacements des chevilles. Des chevilles apparaissent sur la partie décorée
de ce même couvercle, elles sont également visibles sur la cuve. Il semblerait que nous ayons affaire
uniquement à deux types d’assemblage pour ce sarcophage:
L’assemblage
terminé le bois était poli à l’aide de silice (sable). L’ouvrier
appliquait sur le bois un mortier de ragréage fait d’une argile locale,
ce mortier de ragréage est appelé «nouma»
et est de couleur beige dans la région de Thèbes. Dans certains cas
l’armature du bois est compensée et mise en forme par un enduit de nouma
dont l’épaisseur peut atteindre plusieurs centimètres. La cuve et le
premier couvercle ont par endroits subit cette technique pour compenser
des imperfections. La nouma est
appliquée sur le pourtour extérieur et intérieur de la cuve. La nouma ne fut posée que sur les parties extérieures du premier et
du deuxième couvercle. Sur
le côté Ouest de la cuve, côté ou les scènes sont très abîmées
apparaît un tissu plaqué directement sur le bois et supportant le plâtre.
Est ce un tissu d’origine ? Il semblerait que celui ci fut appliqué
lors de la restauration du sarcophage pour y coller des fragments de plâtre
détachés de la cuve. Au-dessus
de la nouma, ou quelques fois
directement sur le bois, l’ouvrier appliquait du plâtre qui recevait
une dorure. Elle est de couleur jaune pour le sarcophage du Muséum. Cette
couleur rappelle celle de l’or et est nous disent les textes:
« la
matière dont est constituée la chair des dieux ». Brillant,
inaltérable, l’or était le métal divin par excellence,
participant de la nature
divine il pouvait à son tour le conférer. Ainsi la momie placée sous
une couverture d’or s’identifiait au dieu solaire Amon-Rê,
s’assurant ainsi une renaissance éternelle. La
pose de la nouma terminée et
après séchage le scribe quadrillait la cuve et les couvercles devant
recevoir une décoration. "La mise au carreau" était pratiquée
suivant le canon traditionnel. Ces lignes, qui disparaîtront par la
suite, sont tracées à l’aide d’un cordon bien tendu préalablement
trempé dans de la peinture rouge, technique utilisée encore de nos jours
par nos maçons. Pour la décoration d’un sarcophage, surface en rien
comparable avec celle d’une tombe, il est fort possible que le scribe
n'utilisa qu' une règle à tracer et une équerre ou
tout simplement esquissa les scènes à main libre. Le
quadrillage et le traçage des colonnes achevés, une esquisse des scènes
est faîte en rouge, au besoin corrigée en noir par le maître, cette
esquisse des scènes était pratiqué d’après modèles pris sur papyrus
ou ostracon. Pour confectionner toutes ces décorations l’Égyptien possédait des outils retrouvés lors des fouilles. Il disposait:
La
peinture des tombes, temples, sarcophages... etc., est une peinture à la détrempe.
Les pigments sont délayés à l’eau additionnés de gomme ou gélatine
puis appliqués sur enduit sec. Différents liants sont parfois utilisés
pour différentes teintes. Dans la tombe de Néfertari, lors de sa
restauration les analyses ont montré que le liant était de la gomme
arabique provenant directement des acacias fort nombreux dans la région
de Thèbes. Dans la tombe de Nefer à Saqqarah (2420 av J.-C.) la peinture
à base de pigments minéraux est délayée avec de la colle d’os ou de
poisson en guise de liant puis mélangée à l’eau. L’Égyptien
utilisait des pigments minéraux d’origine naturelle, le tableau qui
suit nous donne quelques exemples sur la nature des pigments aux époques
pharaoniques.
Dés
les textes des pyramides les hiéroglyphes inscrit dans la chambre funéraire
et ses annexes recevaient une coloration. Une étude de ces peintures a révélé
que parmi les supports employés
l’ouvrier égyptien utilisait des minéraux comme le carbonate de
calcium, toujours utilisé dans les peinture modernes. 1
Geoffrey
KILLEN. Le travail du bois et ses techniques dans l’Égypte Ancienne.
Égypte, Afrique et
Orient. N°3 Centre Vauclusien d’Égyptologie. |
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Le cercueil composite est constitué par trois pièces: la cuve, le couvercle intérieur ou couverture de momie, correspondant probablement au même cercueil d’origine et le couvercle extérieur provenant d’un autre cercueil. Les dimensions du cercueil sont supérieures à la taille de la momie: 1m90 de longueur pour 60 cm de largeur. L’iconographie particulière et le fond de couleur jaune dominante, servant de support à des textes hiéroglyphiques, permettent de dater le cercueil à la XXIe dynastie (1085-950 avant notre ère). Seules les faces externes des trois pièces sont décorées et portent des inscriptions, les faces internes sont en bois brut, non décoré, ni peint. Cet enduit est très endommagé sur la face latérale droite de la cuve du cercueil, des scènes et des textes ont totalement disparu. |
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La
couverture de momie est la mieux conservée des trois pièces. |
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Pour
décrire les scènes qui ornent les côtés de la cuve, nous allons nous
orienter vers la tête du sarcophage, et nous commencerons par le
côté droit. La
tête sera donc au Nord, le côté droit de la cuve représentera l’Ouest
et le côté gauche l’Est. Les scènes qui décorent la cuve ont un sens
de lecture bien précise. Partant du Sud, pied du sarcophage, les
vignettes des côtés Est et Ouest convergent vers le Nord, la tête du
sarcophage. Les
déesses Isis et Selkit étaient liées à ce panneau. La déesse Isis y
est parfois représentée agenouiller sur le signe de l’or, ses bras ailés
sont écartés pour donner au défunt le souffle de vie nécessaire à sa renaissance. Isis peut y
apparaître debout les bras levés en équerre comme pour figurer le Ka. A
l’époque saïte cette partie est décorée d’un taureau Apis courant
et portant le défunt sur son dos, motif qui apparaît déjà à l’époque
libyenne.
Cette
définition proposée par Arme Eggebrecht,1 pour
concise qu’elle soit, nous permet d’entrevoir l’univers infini de ce
concept philosophique, moral et religieux qui fut personnalisé très tôt
dès l’Ancien Empire. A cette époque les vizirs sont appelés « prêtres
de Maât ». Dans la région thébaine nous rencontrons dans le cortège
du vizir Ramose, un scribe « prêtre du bétail de Maât ».
Malgré un culte très répandu, qui perdura des origines de l’Égypte
jusqu’au Ptolémées, le seul temple de Maât que l’on connaisse se
situe dans l’enceinte de Montou à Karnak. Ceci semble peu, compte tenu
de l’importance de cette déesse. Toutefois, par sa fonction, elle est
présente dans tous les sanctuaires. Maât
fut la ligne de conduite et de pensée, la perfection vers laquelle il
fallut tendre, le ciment social et l’harmonie suprême et universelle
pour les millions d’hommes et de femmes qui peuplèrent l’Égypte
pendant trente siècles. Sans
Maât, la société égyptienne n’aurait sûrement pas resurgit après
les chaos qui jalonnèrent son histoire. Maât ne peut se résumer en un
mot. Il n’existe pas d’équivalent pour ce terme dans d’autres
langues. Maât représente l’ordre parfait de la nature tel qu’il fut
voulu par le démiurge. Elle est considérée comme la fille d’Atoum,
qui devint plus tard Atoum-Rê, elle est étroitement liée au dieu Thot.
Le chapitre 941 des textes des sarcophages nous donne Maât comme étant
la femme pacifique de Thot :
« ...
je suis venu, j’apporte à Maât, à la femme pacifique de Thot, l’œil
rouge ».
(L’œil rouge d’Horus
= la couronne rouge de Basse
Égypte). Maât,
fait toujours partie de l’équipage de la barque solaire, elle est tout
et partout, elle est l’ordre et l’équilibre du cosmos, du pays, de la
nature, de la vie des hommes. Elle est le symbole de l’harmonie sociale,
de l’architecture, des formes et de tous les arts. Une musique
harmonieuse est Maât. « Elle
veille à la protection des plus défavorisés et à l’équilibre entre
richesse et pauvreté. Elle est le sentiment général de la justice ».
C’est
une conseillère, un guide, le droit lui même. Maât, symbole du bien et
de l’équité est présente lors de la
cérémonie de la pesée du cœur du défunt. Siège de
l’intelligence et du savoir, le cœur est placé sur un plateau de la
balance, une plume d’autruche personnifiant Maât occupe le plateau
opposé. La rectitude de cette vie est soupesée et comparée à Maât.
Thot est là, il note le résultat de la pesée et si les plateaux de la
balance sont en équilibre, le cœur est Maât, le défunt est justifié,
il vivra l’éternité. Maât
est l’équilibre parfait défini dés l’origine, lors de la création
du monde. Il incombe à pharaon la tâche de la faire respecter et de
l’entretenir. Fils de Rê, garant de Maât, pharaon grâce à des rites
cultuels quotidiens sert Maât, fait des offrandes de Maât à Rê.
« J’ai
fait offrande de Maât qu’il (Amon) aime car je sais qu’il en vit » Paroles
prononcées par Hatshepsout, d’après E. Hornung.
Nous
avons évoqué la lecture des scènes convergeant vers la tête de la
cuve. Si nous détaillons la frise nous nous apercevons que les deux éléments
qui la composent appliquent cette règle, les plumes et les cobras sont
orientés vers la tête. 1 Arme EGGEBRECHT. L’Égypte Ancienne. Éditions Bordas. |