La
cinquième vignette est démarquée sur la droite par une large bande
verticale, combinée de rectangles de couleurs rouge, bleue et noir. Un
trait noir vertical limite la vignette dans sa partie gauche. Trois
registres principaux sont dessinés dans cette vignette:
- un énorme serpent
- une barque transportant des divinités
- le dieu Thot. Un
serpent, possédant dix ondulations supérieures, est dessiné dans le
registre du bas (neuf pour la vignette de la barque placée sur le coté
droit). La partie effilée, à droite, situe la queue du reptile, la
bouche est perceptible du coté gauche. Nous
sommes en présence du serpent Apophis, l’ennemi éternel de Rê,
cherchant par tous les moyens à renverser la barque du dieu et à
instaurer le chaos. Le serpent est nuancé par deux traits rouges, le
corps est tacheté de points bleus. Le
hiéroglyphe du ciel (p.t) de couleur bleue est posé sur les ondoiements
du serpent. La scène placée sur le ciel nous montre une barque
transportant quatre divinités. La barque navigue en direction de la tête
du sarcophage. Au centre une divinité à tête de faucon est assise sur
un trône. Elle est coiffée du disque solaire entouré du serpent uræus,
attribut des divinités solaires. Elle porte dans ses mains les insignes
royaux et divins, le flagellum et le sceptre hequa.
Ses épaules sont recouvertes d’un châle, une colonne de hiéroglyphes
est placée devant le dieu. Nous sommes en présence du dieu solaire Rê-Horakhty,
deux déesses installées dans son dos lui garantissent protection. Les
deux déesses sont:
- Nephthys positionnée à droite,
reconnaissable au hiéroglyphe posé sur sa tête,
- et Isis placée à côté du dieu Rê-Horakhty.
Le
hiéroglyphe servant à écrire le nom d’Isis est abîmé mais
identifiable. La déesse Isis à les deux bras levés vers la nuque du
dieu Rê-Horakhty. Nephthys a le bras droit dans le prolongement du corps,
elle tient le signe de vie ankh.
Le bras gauche est dressé vers la nuque de Rê-Horakhty, elle accomplit
un geste protecteur. Les deux déesses sont affublées d’une longue robe
fourreau de couleur bleue. Au-dessus du visage des déesses nous
apercevons quelques hiéroglyphes, parmi ces signes figure le signe trilitère
qui sert à écrire le nom de «dieu»: «neter». Devant
Isis et derrière Nephthys nous trouvons le signe de l’occident. Un
cobra ailé est dessiné au-dessus de la poupe de la barque, il porte le
disque solaire sur la tête. Le cobra repose sur le signe hiéroglyphique nb.
Le reptile tient le sceptre ouas
(bâton à tête de canidé), généralement tenu par les déesses. La
queue très effilée du serpent remonte, à la verticale, dans son dos
pour toucher le haut de la vignette. Le signe chen
est positionné entre ses ailes, il symbolise « ce que le soleil encercle»,
c’est à dire l’univers. La
corbeille est décorée de damiers de couleurs où s’alternent le bleu
et le jaune. La
déesse Ouadjet, déesse tutélaire de Basse Égypte, est posée
sur la corbeille qui a pour lecture «maître». Son
lieu de culte principal était situé dans la ville de Bouto dans le Delta
occidental du Nil. Avec la déesse vautour Nekhbet, déesse protectrice de
la Haute Égypte, elles assuraient la stabilité, l’unification et la
paix au sein du pays. «La maîtresse
Ouadjet» assure la protection de la barque divine, elle symbolise
le Nord du pays, elle devient un signe d’orientation. Avec la présence
du signe chen elle offre l’éternité.
L’œil Oudjat est dessiné sous la corbeille, il symbolise la santé,
l’intégrité et la plénitude. Une
déesse est postée à l’avant de la barque, elle est habillée d’une
longue robe fourreau maintenue par des bretelles. Le bras gauche le long
du corps tient le signe de vie. La main droite est levée vers la proue de
la barque. Les hiéroglyphes servant à identifier cette déesse sont
illisibles. Sur des scènes similaires la déesse Maât y est quelquefois
représentée. L’étrave
de la barque est matelassée de plantes aquatiques où est venue se poser
une hirondelle. Ce décor est identique et possède les mêmes fonctions
que celui déjà citer dans un chapitre précédant. Le
serpent mauvais c’est Apophis qui sévit aussi bien au lever du soleil
qu’à son coucher. Dans la vignette du sarcophage nous sommes en présence
de l’un de ces deux poissons, il a le rôle de guide, mais également un
rôle protecteur et défensif.
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Sous
la poupe, et placé devant l’œil oudjat, est figuré pour la première
fois un poisson. Quoi de plus naturel que de représenter un poisson dans
un pays où le fleuve nourricier était très poissonneux. Sources de protéines
pour les anciens Égyptiens, les murs des tombes possèdent des scènes où
les tableaux de pêche sont nombreux. Les poissons y sont dessinés avec
attention, ce qui permet de reconnaître tous les hôtes qui nagent dans
les eaux du Nil. On y trouve le mulet, le chromis, l’anguille, les
carpes, la grande perche du Nil, l’oxyrhynque, le poisson silure, le
phagre aux grandes dents... Mis à part le tétrodon, qui se gonfle
d’air et dérive ventre au ciel, les poissons du Nil étaient
comestibles, mais un tabou en interdisait la consommation à tout être
sacralisé, Roi, prêtre, mort glorieux. En dehors des êtres sacralisés
tout le monde profane consommait les différents poissons du Nil. Ils étaient
consommés frais, sécher ou saler. Dés l’époque des pyramides une
sorte de caviar était inventé, il était fait d’œufs de mulets
compressés. La consommation de poissons faisait aussi parfois l’objet
d’interdits certains jours de l’année. Certains interdits avaient
lieu dans une région mais pas dans une autre, certains poissons l’étaient
mais pas d’autres... Tout cela était l’affaire de croyances locales,
car la plupart des poissons étaient divins ou assimilés à une divinité.
Les
textes nous renseignent sur les trois poissons qui avaient mangé le sexe
d’Osiris, le barbeau, le phagre et l’orcyrkynque. La perche était vouée
à Neith, déesse archère, l’anguille au dieu d’Héliopolis Atoum, le
dauphin femelle était la patronne de la ville de Mendés... Deux poissons
étaient les gardiens de la barque solaire: le poisson abjou et le poisson
ouadj, mais il est difficile de leurs attribués une identité
ichtyologique. Il semblerait que le poisson ouadj soit le chromis du Nil,
de couleur rouge, peut être identique au poisson inet ou decher. Ces deux
poissons sont les alliés du soleil guidant la barque sacrée.1
Dans le chapitre 15 du «Livre des Morts» deux passages font référence
à ces deux poissons.
«...L’avant
de la barque est tourné vers l’occident pour le départ. Le fils de
Nout porte ses armes, il à tué la tortue, il a repoussé l’oryx, il a
chassé le serpent. Le poisson ouadj jubile, le poisson abjou est en fête,
les dieux dans le ciel sont en acclamation, le tambourin résonne.» Il
s’agit ici de l’adoration de Rê au coucher, l’oryx, la tortue, le
serpent et l’hippopotame symbolisaient les ennemis du soleil. Le
deuxième passage concernant les deux poissons, dans de ce long chapitre
du «Livre des Morts», nous dit:
«...Tu
as vu le poisson inet dans sa forme (véritable) sur la rivière de
turquoise, tu as vu le poisson abjou quand il vient à se manifester, le
serpent mauvais
a été renversé comme il (l’a) annoncé et j’ai planté mes deux
couteaux (dans) ses vertèbres,
alors Rê fut dans un jour favorable...» En
évoquant le poisson nous avons mentionné des animaux ennemis du dieu Rê-Horakty:
l’oryx et la tortue. L’oryx est un animal du désert et comme tel il
devenait hostile. Des représentations nous montrent pharaon sacrifiant,
à l’aide d’un harpon, l’animal malfaisant. Pour ce qui concerne la
tortue, il est fait mention de ce reptile dans une colonne de hiéroglyphes
située sur le coté droit de la cuve:
«...que
vive Rê et que meure la tortue..» L’Égypte,
les dieux, le pharaon, le temple... doivent être protégés contre toutes
les forces du mal. Il faut tuer les animaux susceptibles de nuire, en les
abattant, c’est le mal incarné par le dieu Seth qui sera vaincu. Dans
le chapitre 161 du « Livre des Morts », il est fait mention
quatre fois de la formule suivante :
«...Vive
Rê, meure la tortue!...» La
tortue est assimilée au serpent Apophis qui est considéré comme un
animal séthien et l’ennemi de Rê. Mais la tortue peut jouer un rôle bénéfique
comme cela est exprimé dans le temple de Kom Ombo, en Haute Égypte. L’égyptologue
Madeleine Peters-Desteract,
dans son livre: «Philae : le domaine d’Isis», nous donne l’aspect
symbolique de la tortue.2
«Cet état de malédiction dans lequel
se trouve enfermée la tortue au Nouvel Empire perdure à la Basse Époque
et jusqu’à l’époque romaine. Ailleurs, un texte du papyrus Jumilhac
dit ceci:
«Quand
cet endroit est privé de ses libations et de ses
offrandes...l’inondation est petite dans son trou, la bouche de la
tortue est fermée et il y a une année de famine dans le pays tout
entier.» Le
papyrus Bremner-Rhind range la tortue parmi les ennemis du dieu solaire,
l’associant à Apophis, désignât même ce dernier: «Apophis
l’ennemi, la tortue.» Dans le « Livre pour la protection contre
le mal » il est citée une énumération des catastrophes possibles
qu’il faut éviter:
«de
peur que le disque solaire ne s’obscurcisse»
«de peur que le ciel n’engloutisse la
lune» Parmi
ces catastrophes, un danger émane de la tortue:
«de
peur que la tortue ne boive la crue du Nil et que les flots ne tarissent.» Ainsi
le tarissement du fleuve serait dû à l’action de la tortue qui
ingurgite l’eau. Il semblerait donc que l’arrivée de l’inondation
ou son manque d’ampleur ou de hauteur soient commandés par la tortue,
et cela rappelle le papyrus Jumilhac cité plus haut. La tortue semble
responsable de l’alimentation en eau du Nil et de l’arrêt de cette
alimentation, cette catastrophe cosmique étant liée à l’insuffisance
des offrandes. A l’époque ptolémaïque, et à Kom-Ombo en particulier,
le mot désignant la tortue a comme déterminatif le dessin de l’animal
avec sa carapace striée de lignes obliques et la couronne rouge de Basse
Égypte sur chacune de ses pattes. Cette couronne est désignée en égyptien
par decheret, qui est aussi le nom donné au désert. C’est là une représentation
symbolique explicitée par un texte gravé sur le pylône de ce même
temple, le corps de la tortue c’est l’Égypte, les couronnes rouges
rappellent les déserts qui la bordent et il est précisé:
«la
tortue qui déverse l’inondation en son temps.» A
Kom Ombo la tortue est devenue l’animal cosmique, source de vie pour
toute l’Égypte. Ainsi,
après avoir connu l’assimilation à Apophis pour devenir l’ennemi de
Rê, ayant subi le rite du massacre sur le pylône de Philae comme au
temple d’Edfou, la tortue joue à Kom-Ombo un rôle bénéfique,
devenant une des représentations mythiques des sources du Nil. Quatre
races appartenant à quatre familles différentes peuvent être distinguées:3
-
Celonia imbricata: tortue de la
mer rouge, de taille moyenne, dont la carapace a été utiliser pour façonner
des accessoires de toilette,
-
Clemnys leprosa: petite tortue (25 cm) d’eau douce et des marécages
d’Afrique, carnivore, sans doute protégée par sa mauvaise odeur. Elle
se distingue par sa longévité,
-
Testudo kleinmanni: tortue de terre d’Égypte, c’est la plus petite
(15 cm environ). Sa carapace est très bombée et a été transformée en
bols et caisse de résonance pour instruments de musique,
-
Tryonix triungis : grande tortue d’eau africaine qui atteint une
longueur de 60 à 80 cm et un poids de 100 kilos. Elle est réputée pour
son agressivité et sa force. Sa carapace est lisse et souple, et sa chair
comestible mais frappée d’un tabou dés l’Ancien Empire. C’est la
tortue la plus fréquemment figurée : objets magiques, palettes à fards,
vases... surtout de l’époque préhistorique, reproduisent sa forme...» L’hippopotame
mâle était l’incarnation de Seth et du « Mal ». Sur le mur
d’enceinte du temple d’Edfou de très belles scènes nous instruisent
sur le combat, la mise à mort et le dépeçage du pachyderme par le dieu
Horus. Si l’hippopotame était présent dans la mythologie, sa chasse
« réelle » représentait un apport non négligeable de
produits consommable. Tout en lui est utilisable : le cuir pour les
boucliers et les sandales de guerre, la viande abondante est très prisée,
les tendons sont solides, les os et les dents sont utilisés pour façonner
des objets de toilette et les amulettes magiques.4 Représentée
comme un hippopotame le ventre en avant, à la tête de femme ou tout
simplement hippopotame, la déesse Thouéris protégeait les femmes et les
enfants. Comme le nain Bès, la déesse Thouéris appartient au monde
domestique et familier. Ses plus fidèles admirateurs résident au sein du
peuple qui la considère comme gardienne du foyer et de la famille. Elle
garantit la fécondité féminine, contrôle le bon déroulement des
naissances et pourvoit à l’allaitement des nouveau-nés.
1
Sydney H.AUFRERE.
Poissons du Nil. Livret de conférence |