Divinités ithyphalliques |
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Les textes et représentations à caractères explicitement sexuel que les sables égyptiens et le hasard de l'Histoire nous ont transmis ont parfois fait l'objet de sévère censure de la part des savants qui les étudiaient. Le célèbre "papyrus de Turin", publié dans son intégralité en 1973 seulement, est probablement le plus révélateur de ces actes d'autocensure, mais il est loin d'être le seul. |
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Tenaillés entre leur devoir scientifique, de "porter à la connaissance du monde savant" le fruit de leurs recherches, et leur répugnance à révéler des textes ou des images que leur pudeur réprouvait, certains égyptologues eurent parfois du mal à trouver une méthodologie adéquate. La pudeur des égyptologues était forcément modelée par leurs horizons culturels respectifs; mais aussi elles étaient liées à leurs époques. |
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Cette pudeur passablement excessive peut faire sourire aujourd'hui, les mœurs ont évolués, mais la pudeur reste toutefois une affaire d'êtres humains. Les textes et représentations à caractères explicitement sexuel que l'Égypte nous a léguée ne dois pas nous faire croire que les anciens évoluaient dans une société licencieuse, sans morale et dépourvue d'interdits sexuels. La déclaration d'innocence du "Livres des Morts nous apporte une réponse à ces questions. |
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Le chapitre 125 du "Livre des Morts" se rapporte à la grande scène du jugement. Les deux plateaux de la balance, l'un portant le cœur (sa conscience), l'autre portant Maât ou son symbole (la plume), sont placés au même niveau. L'équilibre des deux plateaux, c'est non seulement pour l'imposer par la force magique de l'image, un jugement favorable; c'est aussi pour être à l'abri d'une perfidie possible d'un ennemi qui fausserait la balance. Le mort se trouve ainsi automatiquement absout de ses péchés et les déclarations d'innocence et de pureté qu'il formule devant les 42 "juges" commentent et expliquent cet équilibre. |
Quelques déclarations d'innocence qui sont en rapport avec la sexualité: |
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Je n'ai pas été pédéraste - Je n'ai pas forniqué dans les lieux saints du dieu de ma ville - Je n'ai pas fait commerce avec une femme mariée - Je n'ai pas forniqué - Je n'ai pas été dépravé, ni pédéraste |
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Comme on peut le voir ces déclarations d'innocence révèlent que les anciens Égyptiens évoluaient dans une société moraliste et qu'il existait bien des interdits sexuels si le défunt voulait atteindre l'au-delà en état de pureté. |
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C'est avec étonnement, encore aujourd'hui, que le touriste découvre le dieu Min, le sexe en érection. Lorsque Pétrie qui arriva sur le site de Coptos, en 1893, publia les divers documents retrouvés lors de sa campagne il ne dessina pas le membre viril. Toutes les planches dessinées et portant une représentation du dieu Min, le trait de crayon s'interrompt au niveau du sexe divin. |
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Champollion
représenta le dieu Min, et les autres divinités
ithyphalliques, sans fausse pudeur. |
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Pétrie
alla plus en avant dans la pudibonderie: le plus remarquable
bloc découvert représente le roi Sésostris Ier
faisant une course rituelle devant le dieu Min. Pétrie se
devait d'en donner une photographie. Présentant ses dessins
et la photographie de Sésostris I er à
l'Angleterre victorienne, il cacha le sexe en érection par
une pancarte. |
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Dieux
masturbateurs. |
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Pierre Lacau ne reproduit pas ce signe et il ne mentionne même pas la localisation exacte, alors que Champollion, en 1928, et K. Lepsius, en 1843, l'avaient copié quelques années avant lui. Cet hiéroglyphe est toujours présent dans la tombe de Khéty à Béni Hassan. |
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Certains censeurs modernes n'ont parfois pas hésité à effacer discrètement sur le document original les parties jugées gênantes. Un fragment de cuir peint conservé au Métropolitan de New York représente une harpiste jouant sous une treille. Devant elle, un homme nu semble esquisser un pas de danse. Le danseur était affublé d'un sexe imposant, plongeant derrière ses cuisses et tourné vers la musicienne. Mais ce détail essentiel a été effacé à une époque inconnue. Seule une ancienne photographie (document de gauche) providentielle porte encore témoignage de l'état initial du document. Le document de droite est une illustration moderne réalisée dans l'ouvrage de Ruth Schumann Antelme et Stéphane Rossini "Les secrets d'Hathor. Amour, érotisme et sexualité dans l'Égypte pharaonique (Éditions du Rocher. Champollion) |
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La traduction du "Combat d'Horus contre Seth" a aussi "bénéficié" de la pudibonderie de certains traducteurs, et notamment dans le passage qui relate les aventures homosexuelles d'Horus et de Seth. |
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Gardiner qui, ayant prudemment versé le texte au registre du populaire, traduit les passages licencieux sans arrière pensée: "Et pendant la nuit, Seth rendit raide son membre, et le glissa entre les cuisses d'Horus. Alors Horus plaça ses mains entre ses cuisses et recueillit la semence de Seth [....] Alors elle (=Isis) apporta un peu d'onguent doux et l'appliqua sur le membre d'Horus. Alors elle rendit raide son membre, l'ayant placé dans un récipient, y fit couler la semence". |
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Dessin
provenant de "La Description de l'Égypte". |
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Parmi
eux, l'enfant solaire est sur le point de naître. |
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Dessin
provenant de "La Description de l'Égypte". |
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Ils
adoptent une position qui laisse à penser qu'ils accomplissent une
danse. |
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Lors de l'érection de l'obélisque du temple de Louqsor, Place de la Concorde à Paris, les cynocéphales qui accompagnaient le monolithe furent relégués au Musée du Louvre. Il était indécent, à cette époque, de présenter au public des singes qui arboraient les parties génitales entre les cuisses. |
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Cynocéphales du temple de Thot à Hermopolis. |
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Cynocéphales du temple de Thot à Hermopolis qui dévoilent le sexe. |
Le Musée du Caire possède un très riche fonds d'objets phalliques et érotiques; ces artefacts ont été consignés à part dans un registre spécial encore totalement inaccessibles. L'objet phallique, du Musée de l'abbaye de Montserrat, était absent de la collection en 2003 et les années antérieures. Il figurait dans une vitrine lors de notre visite le 18 décembre 2005. Nouvelle acquisition du Musée ou autorisation d'exposition au public! |
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Divinité ithyphallique grecque trouvée à Alexandrie. |