Sân el-Hagar, la ville actuelle, voisine des ruines antiques, est située à environ 130 kilomètres au nord-est du Caire, dans la province de Sharqeyah. Le site est bordé par le bahr Saft qui correspond probablement à l’ancienne branche tanitique du Nil. |
Le tell Sân dresse sa masse énorme et trapue au-dessus des terres environnantes. D’une longueur nord-sud de près de 3 km et d’une largeur approchant 1,5 km, il culmine à plus de 30 m, dominant ainsi les terres alluviales du Delta. Sa surface couvre près de 180 ha. Sa structure est constituée de niveaux anthropiques qui peuvent atteindre 25 m d’épaisseur, et reposent sur un substrat naturel formé de dunes de sable fossiles (turtlebacks, gezirah). |
Tanis illustre bien les grandes variations qui ont affecté le nord-est du Delta depuis trois millénaires. Les buttes de sable originelles se sont trouvées intégrées, à la suite de modifications du régime des branches du Nil, à des terrains favorables au développement d’une cité née de conditions économiques, politiques et religieuses mal définies, mais fondées sur des rivalités internes à l’Égypte liées aux crises du Nouvel Empire finissant et aussi sur la pression croissante des pays du nord et de l’est dans les relations internationales. La ville se développa à partir de la fin de la XXème dynastie (vers 1100 av. JC). Sous la XXIème dynastie (1070 à 945 av. JC), elle devint la capitale d’une Égypte à nouveau livrée aux traditionnelles divisions entre le Nord et le Sud. Métropole religieuse et funéraire sous la XXIIème dynastie, elle conserva une indéniable importance jusqu’à la fin de l’époque ptolémaïque. Dans le cours de l’époque romaine, la subsidence d’une partie des régions côtières entraîna l’extension du lac Menzaleh, la progression des eaux salées et l’anéantissement de l’espace agricole. Tanis périclita. Les lieux prirent progressivement l’aspect que les découvreurs des XVIIIème et XIXème siècles ont enregistré dans leurs récits. |
Historique des interventions sur le site
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Le site est très fragile et nécessite une
préoccupation permanente : |
Les
fouilles de Pierre Montet (1929 - 1956) ont fait réapparaître de nombreux
monuments et de remarquables objets. Malheureusement, le contexte
archéologique a été totalement négligé. En ce qui concerne le terrain, plus
de vingt années de fouilles sont donc pratiquement perdues. Malgré une
apparence trompeuse de rabâchage, qui nuit considérablement à l’impact des
résultats que nous obtenons, la reprise des anciens secteurs permet, sur la
base de faibles coûts financiers et grâce à l’accès quasi simultané aux
principaux étages stratigraphiques du site, une impressionnante explosion de
l’information. Les tombes royales, symbole traditionnel la réussite
archéologique pour le découvreur, fournissent un exemple très clair de cet
enrichissement documentaire récent. Une fois vidées de leurs trésors, certes
combien estimables, elles sont apparues comme un agrégat, à l’histoire
confuse, de constructions misérables en comparaison de celles de la Vallée
des Rois.
Plusieurs années
de fouilles dans le secteur, depuis 1985, ont permis de régler, en grande
partie, les graves problèmes de ruissellement qui affectaient dangereusement
les caveaux. Elles ont aussi permis d’inscrire ces bâtiments dans une
dynamique historique où l’innovation apparaît partout : rupture d’avec le
monde funéraire thébain ; évolution rapide des conceptions religieuses
appliquées à l’organisation de l’espace urbain et cultuel ; intégration
progressive du cimetière royal au temple d’Amon, initiant les pratiques qui
auront cours durant le dernier millénaire ; interrogation sur la place des
femmes dans la mort ; problème des relations de l’espace royal avec les
tombes privées
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Ramsès en dieu Khonsou, à côté de sa "mère" Mout, sous forme de lionne. |
Fouilles sur Tanis. |
Fouilles sur Tanis. |
Philippe Brissaud Directeur de la Mission des Fouilles de Tanis de 1985 à 2012. |
Fouilles sur Tanis. |
Fouilles sur Tanis. |
L’exemple de la prise de vue par cerf-volant Le temple de l’Est, découvert par A. Mariette, puis exploité par P. Montet représente un objet patrimonial important. Il est un secteur privilégié pour l’étude de certains caractères marquants de l’évolution urbaine d’une grande métropole égyptienne. Le réexamen de cette zone a débuté en 1998. La contribution de la technique de la prise de vue par cerf-volant à notre pratique documentaire sur le terrain est en passe de devenir indispensable. Il est évident que dans le cadre d’une opération aussi lourde que celle du temple de l’Est, avec restitution complète d’un paysage archéologique, et manipulations de fragments d’une dizaine de colonnes de granit, en vue de leur étude, de leur restauration et de leur anastylose, la communication entre les divers intervenants s’en trouve considérablement facilitée. La zone centrale du tell a été le lieu de nombreuses interventions archéologiques : fouilles du temple d’Horus de Mesen, et des structures d’habitat sous-jacentes, campagne d’une soixantaine de sondages pour tenter d’analyser l’espace urbain, examen d’une vaste nécropole populaire au sud-ouest de la zone. Nous avons pu établir qu’il existait des structures d’habitats gréco-romains superposées à d’autres, datables de la Troisième Période Intermédiaire. |
Ces opérations ne nous ont toutefois pas permis d’élaborer une vue un peu générale et ordonnée de l’occupation urbaine. À la surface du sol, le jeu combiné de l’humidité, des remontées salines et des agents de l’érosion dessinent d’innombrables tâches grises d’organisation confuse. Grâce au cerf-volant et à l’altitude qu’il autorise, sont apparues, avec une netteté saisissante, d’innombrables structures d’habitat, ou bien encore le segment méridional de l’enceinte du temple d’Horus de Mesen, que nous avions vainement cherché au sol. De nombreuses vues révèlent deux types d’organisation différents, l’un à caractère ordonné et orthogonal, l’autre avec une disposition générale d’aspects plus confus. Il pourrait être tentant d’y voir un mode architectural gréco-romain se différenciant d’un autre, plus autochtone et plus ancien. Toutefois des conclusions solides dans ce domaine attendent encore des bases plus précises. |